La nonne Chiyono étudiait le zen depuis des années sous la direction du maître Bokko. Malgré sa pratique intensive de la méditation, elle n’avait toujours pas obtenu le moindre satori.
Un soir, à la nuit tombée, alors qu’elle était partie chercher de l’eau au puits du monastère, elle se pencha sur la margelle et découvrit le reflet de la lune qui se mirait dans le miroir du liquide. Elle y plongea son vieux seau de bambou rafistolé et, quand elle le retira, elle vit que l’astre nocturne se reflétait maintenant dedans. Elle s’amusait à penser qu’elle avait capturé la lune et qu’elle l’emportait avec elle. Elle marcha précautionneusement de façon à pouvoir continuer de la contempler dans son récipient. Soudain, le fond céda, l’eau coula et le reflet de la lune disparut.
En un éclair, elle comprit la vanité de son mental qui tente constamment d’emprisonner la réalité alors qu’il ne peut en capter que les reflets déformés. Aussitôt, la sublime lumière de l’Eveil l’inonda.
Chiyono devint par la suite la supérieure d’un monastère qu’elle fonda et elle prit le nom de Mugai Nyodai. Une statue à son effigie à traverser les siècles.
Extrait des « Contes des sages du Japon » de Pascal Fauliot, éditions Seuil.
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